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Situation ou Contexte?

JOËLLE ZASK

La philosophie de John Dewey fait dépendre les significations d’un ensemble de processus conjoints, qui mettent en lien une intelligence et son environne- ment social, linguistique, culturel. «Savoir» signifie établir une relation entre un problème, une idée de solution et les ressources que nous découvrons ici et maintenant pour le résoudre. Du fait que les significations ne sont pas en soi, mais qu’elles sont relatives à l’expérience que nous faisons du monde, il est fréquent de les dire «contextuelles». L’objet de cet article est toutefois de creuser la différence qui sépare l’idée de contexte de celle de situation. Cette distinction importe dans la mesure où le contextualisme aboutit au relativisme, dont le pragmatisme semble exempt, bien qu’ils aient été souvent confondus1.

A. Situation et contexte: approches existentielles

Le pragmatisme, Dewey y insiste souvent, procède d’un naturalisme. Par ce terme, l’auteur n’entend certes pas la réduction de la vie humaine à des phéno- mènes naturels ou originels, mais le fait que les phénomènes spécifiquement humains, tels la conduite individuelle ou les activités d’enquête, sont continus par rapport à ceux qui sont le fait de tous les vivants. Par exemple, dans l’intro- duction à la Logique de l’enquête, Dewey établit un continuum entre l’enquête et la vie2. Décrire «la matrice existentielle de l’enquête» donne la clé de cette continuité: l’enquête est «un processus conjoint à la vie», non une manière d’y échapper, en la transcendant, ou en s’en dégageant.

Mais en premier lieu, quelques mots sur la reprise par Dewey du darwinisme. Rorty, pour qui la dette de Dewey à Darwin est fondatrice, insiste surtout sur les aspects épistémologiques: le monde où évoluent les espèces est un monde sans fin, sans finalité. Partant, aucune signification n’est la représentation ou le miroir des choses «telles qu’elles sont». Les textes de Dewey présentent dans des termes existentiels ce que Rorty a nommé un «anti-fondationnalisme»: en développant ses pouvoirs, un organisme influe sur le milieu de sa vie et réciproquement, le milieu conditionne ceux de ses pouvoirs susceptibles d’un développement. Contrairement à ce que soutient Spencer, mal affranchi à l’égard du finalisme, les vivants ne s’adaptent que par le moyen de cette interaction entre leurs poten- tialités et les traits du milieu qui au cours de leur développement constituent leurs ressources de vie. S’adapter ne signifie pas se couler passivement dans un moule mais, du moins dans une certaine mesure, reconstruire le milieu en vue de la continuation de la vie: «même une praire agit sur son environnement».

Une première distinction entre situation et contexte en découle. La distance qui les sépare sépare aussi l’environnement du milieu, l’adaptation de la confor- mation. Appelons «situation» toutes les moments au cours desquels l’interaction entre un vivant et un milieu s’effectue sous la forme d’une action réciproque. En revanche, réservons le mot «contexte» aux moments menant à la conformation passive du premier aux conditions du second.

Au plan organique, la distinction entre milieu et environnement fait écho à tout ceci: un milieu «entoure» l’individu mais n’est pas défini de sorte à inclure les modifications que les organismes lui font subir. En revanche, un environ- nement est constitué par l’ensemble des conditions qui interviennent dans le développement des capacités de l’individu au titre de moyen ou de ressources. Un environnement relève donc d’une situation. Il exprime une relation avec les capacités en développement des vivants, de même qu’un organisme est doté des traits qui naissent de l’usage qu’il fait de son milieu. Bref, environnement et organisme sont tous deux compris comme des phases de différenciation, non comme des essences permanentes ou des êtres en soi. De même que les potenti- alités des individus varient en fonction des environnements dans lesquels ils se développent, les environnements varient en fonction des individus et de leurs efforts spécifiques de vie. L’environnement d’un poisson est distinct de celui d’une abeille. Plus la forme de vie est élevée et complexe, plus les activités de reconstruction du milieu sont intenses et variées, plus le degré auquel les vivants influent sur leur environnement au cours de leur quête de ressources propres est important.

Un contexte est un milieu dans lequel prend place telle ou telle conduite: un discours, une action, une croyance, etc. S’il détermine les significations et les traits de cette conduite, il n’est pas en retour affecté par elle. Les caractéristi- ques d’un contexte sont pensées comme indépendantes des conduites que l’on y réfère. Elles sont antérieures et peuvent être connues par elles-mêmes, indé- pendamment des conduites particulières qui en semblent alors des variations accidentelles. Au contraire, toute situation implique une action mutuelle, une interaction. Alors qu’une situation est définie par le fait que certains aspects du milieu se prêtent à l’action, pouvant être utilisés comme des outils de persé- vérance dans la vie, un contexte exprime plutôt l’ensemble des conditions qui limitent l’action. La première augmente les possibles, le second en restreint le nombre. Alors qu’un contexte est un préalable, une condition antécédente, une situation est un résultat. Le premier est immuable, la seconde change.

Dewey n’a pas développé la distinction proposée ici. De fait, le terme «situa- tion» n’apparaît dans ses textes qu’irrégulièrement, et en outre, le mot «contexte» peut lui être associé. C’est le cas d’un passage de la Logique. A propos de l’enquête, il précise que «nous ne faisons jamais l’expérience ni ne formons de jugements au sujet d’objets et d’événements isolés, mais n’y parvenons qu’en connexion avec un tout contextuel. Ce dernier est ce que nous appelons une ‘situation’3.»

Toutefois, une distinction est motivée dans la mesure où par «situation» Dewey entend toujours une transaction dans laquelle une activité entre en jeu4: «Le monde, au sens commun, inclut évidemment des objets perçus, mais on doit comprendre ceux-ci dans le seul contexte d’un environnement. Un environne- ment est constitué par les interactions entre des choses et une créature vivante. Il forme fondamentalement la scène d’actions effectuées et de conséquences éprouvées au cours des processus d’interaction5.» Un environnement est donc formé aussi bien des choses extérieures susceptibles d’entrer en relation avec les activités d’un vivant que des effets concrets de ces activités: les conséquences de nos activités nous affectent dans la mesure où elles s’inscrivent dans un environnement, que celui-ci soit social ou naturel. Plus l’influence de l’individu est grande, plus son environnement se confond avec les conséquences de ses activités, comme c’est le cas par exemple des connaissances scientifiques et du monde technique.

Si ces remarques ont une grande importance pour la conception du vivant et de son évolution, elles jouent également un rôle décisif en ce qui concerne cette fois la vie spécifiquement humaine. Celle-ci est également conçue dans les termes d’un effort d’adaptation. Chez les hommes, cet effort est relative- ment conscient et prend la forme d’une enquête. Une enquête est un dispositif consécutif à l’épreuve d’une discontinuité dans le cours des expériences et destiné à le surmonter. On peut donc penser une enquête comme une tentative de reconstruction du milieu et comme l’une des figures de l’adaptation.

Les difficultés rencontrées prennent la forme d’un «trouble». Une situation «troublée» engendre un doute. Dewey, comme Peirce, insistent sur son caractère existentiel. Le doute, écrit Peirce, est lié non à une décision de douter mais à un trouble de la croyance qui se manifeste au cours d’une pratique. Une enquête est une réponse à une situation «troublée», c’est-à-dire à une situation dont les traits cessent d’être suffisamment identifiables pour qu’ils puissent être convertis en un moyen d’action. Le «trouble» signifie qu’un individu éprouve une difficulté à corréler aux conditions existantes une conduite qui lui serait bénéficiaire ou qui lui semble souhaitable. Une «situation problématique» est alors marquée par une disparité entre les fins et les moyens. Que la fin consiste en la poursuite de la vie ou en la poursuite d’un intérêt inhérent à telle ou telle activité (connaître, gouverner, grandir, éduquer, etc.), elle se trouve déconnectée des moyens qui permettraient d’y aboutir. Une situation problématique devient donc l’équiva- lent d’un «milieu», dont les éléments ne se connectent pas aux besoins concrets des individus et aux ressources que ces besoins devraient pouvoir mobiliser. Enquêter, explique Dewey, c’est avant tout tenter de «réunifier» une situation afin qu’elle soit propice à la continuité d’expérience, donc de vie, de l’individu enquêtant, continuité sans laquelle il y a mort, dégradation, régression: «L’en- quête est la transformation dirigée et contrôlée d’une situation indéterminée en une situation dont les distinctions et relations constitutives sont déterminées de telle sorte qu’elle permette de convertir les éléments de la situation initiale en un tout unifié6.»

Ces remarques aboutissent à deux ordres de conclusions intermédiaires: tout d’abord, les manières de vivre bénéficiant de «situations» effectives sont rela- tivement rares et extrêmement précaires. La «vulnérabilité de l’expérience» que décrit Erwin Goffman en témoigne autant que les déficits d’interaction dont les auteurs pragmatistes ont fait la recension. De même que des espèces disparaissent, des conduites individuelles échouent, des enquêtes avortent ou ne trouvent pas même l’occasion d’être tentées. Les situations sont donc de deux types: elles sont soit «unifiées», soit troublées ou problématiques. Ces dernières ne constituent pas pour autant un contexte: celui-ci est a-problématique, celles-là sont définies par l’épreuve d’une difficulté d’agir ou de se maintenir dans la vie. Soit une situation est favorable, soit elle vient à la perception par le biais de la conscience d’un déficit d’activité et se trouve identifiée selon des traits qui sont sous-tendus par la visée d’une reprise d’activité. Par conséquent, créer la situa- tion, la définir (priorité sur laquelle Erwin Goffman a mis continûment l’accent) ou veiller à son maintien apparaît comme une tache à accomplir, voire un idéal. Ailleurs on montrerait que l’existence humaine, qui est toujours interhumaine, suppose que cet idéal soit formulé dans des termes éthiques et politiques. La régulation de la vie sociale de sorte que la masse des hommes puisse bénéficier d’une trajectoire allant de situations en situations est le cœur d’une politique et d’une culture démocratiques.

La seconde conclusion porte sur les modalités d’une enquête effective, modalités dont l’examen permet de creuser l’écart entre relativisme et pragmatisme.

Une enquête, explique Dewey, implique une «reconstruction» du milieu: en effet, enquêter signifie sélectionner certains des traits de la situation probléma- tique afin de les utiliser comme des moyens de transformation: «knowing is doing». Tout procès de connaissance implique donc une modification concrète des conditions existantes. La connaissance se fonde sur une corrélation étroite entre trois ordres de phénomènes: d’un côté, la fin poursuivie qui a valeur d’hy- pothèse ou de «fin-en vue», de l’autre, l’identification et la sélection de celles des ressources de la situation qui pourraient aboutir, une fois qu’elles sont utilisées comme des moyens, à restaurer le continuum des activités en jeu, et finalement le donné, c’est-à-dire les éléments réellement existants de la situation problé- matique que l’enquête va constituer en ses ingrédients. Plus l’identification des conditions factuelles de l’enquête est approximative ou fantasmatique, moins les chances d’unification des données et donc d’aboutissement à une enquête conclusive sont réunies. Et comme une enquête conclusive signifie une enquête procurant un matériau susceptible d’être à son tour converti en des moyens pour d’autres fins, donc pour des expériences ultérieures, plus la continuité de la conduite (ou de la vie) est menacée. Que les moyens, les instruments et les finalités d’une enquête soient relatifs à une situation indéterminée n’implique donc pas qu’ils soient relatifs à un contexte, pas plus qu’ils n’impliquent un relativisme. Le relatif dont il est question ici est non relativiste7.

Les activités consécutives à la conscience d’une situation indéterminées sont conditionnées par le projet d’infléchir la situation elle-même. Le succès de ce projet dépend du degré auquel l’identification du problème repose effectivement sur la prise en considération du point auquel les ressources réelles du milieu et les fins de l’enquêteur peuvent se combiner, confluer, exercer une influence réciproque, dans une certaine mesure s’incorporer les unes aux autres, de sorte qu’il en provienne une redistribution des facteurs en jeu. En cas de succès, la situation «réunifiée», donc «déterminée», est différente de la situation initiale, ce qui signifie que le milieu comme l’enquêteur ont changé: «une action réel- lement expérimentale produit un ajustement des conditions, non un ajustement aux conditions; elle produit le fait de modifier des conditions existantes, non le simple fait de modifier le moi et l’esprit afin qu’ils se coulent dans les premières. Une adaptation intelligente consiste toujours en un réajustement, en une re-cons- truction de ce qui existe8.»

Toute enquête se présente ainsi comme un dispositif temporel destiné à produire des changements suivant des canaux prévisibles ou probables. Si par «relatif» on entend dépendant d’un contexte préalable et persistant, alors une enquête, de même que toute conduite, ne l’est pas. Si en revanche par «relatif» on entend l’effort de relier, de mettre en lien des choses disparates, voire anta- gonistes, (une situation problématique constituant dans les termes de Dewey une déliaison des manières d’exister de réalités distinctes) alors une enquête l’est. La mise en lien, la découverte d’instances ou de moyens d’actions dans le monde existant qui n’est pas le monde du sujet enquêtant, mais n’en laisse pas moins d’influer sur lui, constitue le cadre général de l’enquête. Nos enquêtes et les choses connues qui en forment la conclusion sont situées, elles n’en sont pas pour autant contextuelles.

Ainsi, tout ce qui relève d’un contextualisme se révèle un obstacle à l’enquête (ou à la conduite en général). Les traits du milieu qui échappent à la conscience, soit parce qu’ils ont fait l’objet d’expériences réitérées passées et ont été inté- riorisés, comme c’est le cas des habitudes, soit parce qu’antérieurement ils n’ont encore jamais fait l’objet d’une expérience, comme le montrent parfois les découvertes, soit encore parce qu’ils influent sur nous d’une manière telle qu’aucune de nos instrumentalités théoriques disponibles ne peut en rendre raison, comme c’est le cas pour «l’individu perdu» dont toute la philosophie sociale de Dewey nous parle, ces traits que seul un hypothétique regard extérieur pourraient identifier, en se détachant du processus de vie lui-même, consti- tuent de graves handicaps à la continuité de l’enquête: préjugés, ignorance ou croyances influencées par des déterminations qui nous échappent condamne la «croissance de l’individualité», c’est-à-dire l’enrichissement continu de l’ex- périence individuelle. Contexte et situation ne sont donc pas les concepts-clé de deux théories générales convenant en toute circonstances mais des idées grâce auxquels discriminer entre des activités innovantes et des réactions incons- cientes, entre des réajustements et des conditionnements, dans une certaine mesure entre la vie et la mort.

B. situation et communauté

La force théorique du contextualisme et du relativisme qui lui est lié réside dans le fait qu’ils conduisent assez facilement à la conception d’un ordre supra-indivi- duel. Un contexte est par définition collectif. Pour un relativiste, les croyances, si individuelles qu’elles soient, s’ancrent dans un territoire dont l’influence sur tel ou tel segment du social est relativement uniforme. Le milieu, qu’il soit naturel, linguistique ou idéologique, constitue une sorte de dénominateur commun grâce auquel on peut parvenir à une coordination dans l’action ou à une entente au plan des représentations. Pas de croyances collectives sans mécanisme stabilisé qui uniformise sinon le contenu des croyances, du moins les mécanismes de leur formation et leurs fonctions existentielles ou sociales. Un contexte forme un «arrière-plan» par rapport auquel les conduites ou les pensées sont ontolo- giquement des effets ou des variations.

La «culture» est souvent abordée dans ces termes. Depuis Montaigne, on tient pour acquis que les opinions varient en fonction des mœurs ou des coutumes, et que ceux-ci définissent les limites à l’intérieur desquelles s’expriment les goûts et les croyances. Si conflits et désaccords surgissent entre des sociétés de mœurs différentes, une entente spontanée serait assurée à l’intérieur du groupe.

L’admission du caractère relatif des diverses conceptions du monde débouche sur un relativisme à deux conditions: d’une part, si l’on considère qu’une culture forme un «tout» fermé sur lui-même et d’autre part, lorsqu’on soutient qu’il n’existe aucun principe universel transcendant d’après lequel comparer ces conceptions, les juger bonnes ou mauvaises, les hiérarchiser entre elles ou les traduire les unes dans les autres. On est alors conduit à imaginer des mondes culturels coexistants dans lesquels les individus sont «immergés», voire enfermés. Dans ses formulations contemporaines, le relativisme moral se fonde sur des conceptions similaires: les idées du bien soutenues par différentes cultures sont autant incommensurables entre elles qu’elles sont relativement uniformes dans le groupe, dont la cohésion et le fait même qu’il dispose d’une culture le dote d’un arrière-plan collectif pouvant se décliner en termes d’institutions, de lois ou de règles, de normes éthiques ou d’habitudes.

Le pragmatisme aboutit à cerner des processus de communautarisation spiri- tuelle d’une nature très différente de ceux qui proviennent de l’hypothèse d’un sous bassement linguistique ou culturel. De même qu’un large pan de l’anthropo- logie culturelle qui en est contemporaine, il permet de désolidariser le «commun» de l’hypothèse d’un arrière-plan conditionnant et inconscient. Le commun est une visée, non un donné. Sa formation est fonction d’efforts individuels convergents, ce qu’on va présenter en premier lieu au plan de la connaissance, puis au plan de l’acculturation.

1. Logique pragmatiste du partage des significations

Comme dans le domaine du vivant, la «logique» de la connaissance que propose Dewey consiste en un processus de réunification de réalités distinctes. Le fait que toute mise en lien provoque une requalification de ces réalités se comprend aussi bien au niveau de l’individu qu’au niveau interindividuel. Connaître consiste dans ces deux cas à produire une situation effective d’inter- action. Ici comme auparavant, le fait que toute idée vérifiée soit relative à telle ou telle situation vécue comme problématique n’implique pas les notions asso- ciées habituellement à la contextualisation des modalités et des contenus de connaissance.

Non relativiste, l’instrumentalisme de Dewey n’est pas pour autant univer- saliste ou objectiviste: sa théorie de la connaissance ne repose ni sur la quête d’une correspondance entre l’idée et une réalité supposée immuable, ni sur la quête de principes transcendants auxquels rapporter soit la logique géné- rale de nos démonstrations, soit les contenus particuliers de nos propositions. Dewey propose une théorie expérimentale de la connaissance, en donnant au mot «expérience» un sens renouvelé qu’il puise dans une description des activités scientifiques modernes. L’expérience cesse d’être «empirique» et devient «expé- rimentale9». En ce second sens, elle suppose autant la réceptivité qu’une activité. Une expérience consiste en l’établissement d’une connexion entre la manière dont un sujet se ressent des conditions existantes propres à son environnement et la manière dont il connecte ce dont il se ressent à son activité présente et future. Faire une expérience, c’est associer une activité à une impression, re-agir.

La connaissance et l’objet connu repose sur un processus de vérification entièrement interne à l’enquête. A l’unité et à l’unicité du vrai propre à la tradi- tion «fondationnaliste» se substitue une pluralité de phases de la connaissance, d’éléments (les uns relevant du donné, les autres de l’esprit) et de participants. Comme précédemment, cette pluralité est celle de liens et aboutit à un relatif non relativiste.

Comment se décline-t-elle? D’une part, ce qui est tenu pour vrai correspond à ce moment de convergence dans l’enquête qui a été signalé plus haut. Ce moment fait intervenir divers facteurs, notamment le donné et les hypothèses de l’individu enquêtant. Le point de rencontre entre données et hypothèses est ce que Dewey appelle un «fait», c’est-à-dire la constante qui peut s’établir à partir de la récurrence ou de l’enchaînement de variations ou de changements qui sont volontairement provoqués soit dans le phénomène étudié, soit dans les dispositifs de son observation. La démarche scientifique ne repose donc pas sur une «acceptation» mais sur un «contrôle»: contrôle des changements provoqués, contrôle des liens entre l’idée préalable d’un changement et les événements qui succèdent à sa mise en pratique, contrôle des connections entre les changements: «le progrès de l’enquête est identique aux avancées en matière d’invention et de fabrication des instruments physiques destinés à produire, à enregistrer et à mesurer des changements10». Toute enquête est une «activité dirigée» qui n’opère pas dans le vide mais voit au contraire sa réussite dépendre du degré auquel les conséquences des activités en jeu sont effectivement conditionnées par les éléments du problème tel qu’il a été posé. Ces conséquences sont «instituées de manière opérationnelle11». La connaissance est ainsi de nature relationnelle. Les analyses dont elle fait l’objet évoquent une dialogue entre des éléments qui se corrigent et se précisent les uns au contact des autres.

Afin d’insister sur le caractère pluriel des activités mobilisées par une enquête dont la conclusion dépend du degré de connexion établi entre elles, Dewey a sélectionné l’expression «waranteed assertion», moins ambiguë que les termes «belief» ou «knowledge»: tandis que la «croyance» se dit autant d’un état mental que d’un objet, et que la «connaissance» peut s’appliquer aussi bien au résultat d’une enquête qu’à une chose dont les liens avec une recherche particulière sont tus, une «assertion garantie» est un terme qui inclut les conditions auxquelles on peut parvenir à une connaissance de faits particuliers. Ces conditions concernent, on l’a vu, des hypothèses directrices, des «opérations existentielles» de test, des procédures de vérification. Le faillibilisme (Peirce) et le caractère probable (Dewey) de toute assertion garantie contribuent ainsi à préciser cette mise en lien entre éléments autrement disparates dont relève en général la production d’une situation.

Par ailleurs, la pluralité peut être étendue aux acteurs de la science ou de la connaissance. Les processus de connaissance individuels sont transposables dans les termes d’une communication et d’une recherche inter-individuelles. Ceux-ci forment un cadre général dont la connaissance individuelle n’est qu’un aspect: toute connaissance est dotée d’un caractère social et public. Peirce insistait sur la dimension sociale de la vérification. Autrui est associé à chaque phase d’une enquête, dont la validité dépend de l’accord actuel et futur de la communauté: un «fait» établi est quelque chose d’observable par n’importe qui: ce qu’un homme est seul à voir n’est pas un fait, c’est une hallucination12. Dans le dernier chapitre de sa Logique, Dewey entérine et élargit ce point. Si la «matrice existentielle» d’une enquête est sociale, son effectuation ne l’est pas moins. Ce n’est pas seulement que toute enquête recourt à des outils pratiques et théoriques hérités du passé ou créés par une collectivité13 (Kuhn a montré en quel sens), c’est aussi qu’une expérience comme «situation» offre la possibilité d’être reproduite, reprise ou poursuivie par quiconque. L’accord sur un fait n’est pas de nature psychologique ou purement rationnelle On s’accorde sur un fait non en vertu de propriété intrinsèques à la «réalité» ou à la «vérité» (évidence, immuabilité, clarté, etc.) mais en fonction de la convergence de nos activités. L’idée d’un fait est seulement hypothétique ou opérationnelle. Un accord valable est motivé par la compatibilité, la confluence et la continuité des conséquences pratiques de l’adoption commune de cette idée, donc des activités menées en vue de sa vérification. C’est pourquoi Dewey écrit: «L’accord en question est un accord entre les activités, non l’acceptation intellectuelle d’un même ensemble de propositions. Une proposition ne gagne aucune validité du fait du nombre de gens qui l’acceptent. En outre, on doit plus prendre en considération la continuité de l’enquête comme souci permanent que l’état de croyance exact à un moment donné14.» Une croyance justifiée s’établit sur la base de la comptabilisation des expériences d’un nombre indéfini d’individus distincts. Pour une philosophie expérimentale, la vérité (comme vérification) suppose la pluralité.

En matière d’assertion garantie, le point de vue d’autrui est donc moins décisif que l’expérience d’autrui. Il y a confirmation dans la mesure où l’expérience des uns se combine à celle des autres de sorte à produire une situation d’enquête. Cette situation est de nature publique. L’environnement n’est pas moins constitué de «problèmes» réellement existants que d’enquêteurs, les uns spécialisés, les autres (le «large public») propulsés dans cette fonction à cause de l’impact que les découvertes – notamment techniques, industrielles et sociologiques – ont sur eux. Ici comme précédemment, la distance vis à vis du contextualisme et du relativisme se justifie par le fait qu’on va toujours de situation d’enquête en situation d’enquête, non de l’esprit au réel ou de l’idée à la chose. La vérification elle-même n’est qu’un aspect d’une dynamique plus générale, celle qui conduit à la production de données, de visées et de croyances communes.

Chez Dewey, le commun apparaît nettement comme le résultat d’un souci de communication concernant les conditions qui handicapent ou condamnent les conduites «conjointes», c’est-à-dire les conduites susceptibles d’assurer la «croissance de l’individualité» de chacun tout en se combinant à celles des autres. Si Dewey a cherché tout au long de sa carrière à promouvoir l’idée d’expérimentation à l’école et à transformer la salle de classe en «communauté d’enquêteurs», ce n’était pas au nom de la science pour la science, en quoi il ne croyait pas, mais parce que cela lui apparaissait comme le meilleur moyen d’assurer le développement de l’individualité de tous dans un monde désormais marqué par les sciences modernes et leurs conséquences, l’industrie et la tech- nologie. En bref, Dewey ne plaide pas en faveur de «la science» mais en faveur d’une reconstruction sociale fondée sur la juste répartition des conséquences de la science, ce dont s’occupera la totalité de sa «philosophie sociale15».

L’établissement de communautés d’enquêtes n’est donc utile que dans la mesure où celles-ci permettent à des publics dispersés, à des «individus perdus» ou à des groupes sociaux exclus ou sacrifiés d’identifier leurs intérêts relatifs à un environnement dont les significations et les dynamiques, complexifiées par les effets des sciences, en sont venues à leur échapper complètement, et auxquelles les traditions et habitudes partagées ne se connectent plus. Une «communauté», qu’elle soit scientifique, sociale ou politique, est un groupe dont les membres communiquent entre eux, partagent des significations et agissent en commun sur leur base. Contrairement à un collectif, à une masse ou à une foule, une «communauté» repose sur l’accord entre les activités qui a été mentionné plus haut. D’un point de vue politique ou éthique (la démocratie met en jeu l’un et l’autre), un accord de ce type est impérativement requis dans la mesure où il est le seul à promouvoir des groupes humains dans lesquels l’individualité de chacun ne disparaît pas. L’expérimentalisme (la sauvegarde consciente d’une interaction continue entre un organisme et son environnement) est la seule méthode par laquelle assurer à une vie humaine le bénéfice d’être «en situation»: influente et influencée, active et réceptive, donc participative. A l’époque actuelle, une communauté démocratique suppose une communauté d’enquêteurs.

2. La «culture» comme situation

L’enquête scientifique et la méthode expérimentale que Dewey décrit et dont il préconise l’adoption dans des domaines restés imperméables à elles, notam- ment celui des relations sociales et de l’éthique, sont significatives; non parce qu’elles s’inscrivent dans la perspective d’un progrès des lumières, mais parce qu’elles s’insèrent ou plutôt devraient s’insérer dans la culture des pays indus- trialisés. Dewey constate un gouffre entre ce qui marche (les sciences) et ce qui ne marche pas (les mentalités, les rapports sociaux, l’équité, la paix). Le clivage entre les conceptions et méthodes scientifiques d’un côté, et les idéaux, les valeurs et les représentations du social de l’autre, produit un sentiment de perte et d’impuissance: une non-situation.

D’après la thèse du relativisme culturel, toutes les cultures se valent. L’im- possibilité de les comparer provient de l’impossibilité de découvrir un critère non culturel qui les transcenderait. Or la distinction qu’on a tenté d’établir entre situation et contexte peut ici tenir lieu de critère: parmi les formes de vie interhumaine, certaines sont «culturantes» tandis que d’autres sont «décultu- rantes». S’il est exclu de hiérarchiser les cultures entre elles, il est en revanche possible de les examiner sous l’angle de leur propension à servir les fins que les individus culturés16 sélectionnent et désirent en fonction de leur participation à leur propre culture. Dewey diagnostique à l’époque moderne une immense défaillance culturelle qu’il analyse dans les termes d’une dissociation entre les moyens (les ressources communes, largement confisquées) et les fins (les buts que poursuivent les individus). Il en provient une «frustration», un terme qui reviendra fréquemment chez les chercheurs en sciences sociales de l’époque, notamment au cours de leurs recherches sur les pathologies sociales: l’exclu, le marginal, le suicidaire, le pauvre, le schizophrène, le drogué, etc.

Les fondateurs de l’anthropologie culturelle qui sont contemporains de Dewey (Boas, Sapir, Benedict, Malinowski)17 se sont attachés à décrire les cultures, notam ment primitives, dans des termes proches de ce qu’on a appelé ici une «situation». Sur cette base, ils ont rejeté tous les critères d’après lesquels on hiérarchisait alors les cultures entre elles (degré de civilisation, race, moralité, sexualité, complexité de l’organisation) ou d’associer une quelconque valeur surplombante aux diverses pratiques culturelles. Le seul critère qui se rencontre dans leur ouvrage est celui de la «vitalité»: vitalité des traditions locales, vitalité des reconstructions sociales consécutives à des emprunts ou à des contacts, vitalité d’adaptation (conçue comme re-ajustement) face aux situations coloniales, et ainsi de suite. Une culture est conformément à son étymologie quelque chose qui «pousse», qui est «vivant» ou «dynamique». On ne peut parler d’une culture à propos de mentalités et de façons de faire qui interdisent l’interaction continue entre les individus et leur environnement. Comme les espèces vivantes, les cultures peuvent disparaître. Elles ne survivent que lorsqu’elles offrent aux individus les ressources mentales ou matérielles grâce auxquelles ceux-ci peuvent se développer. Comprendre une culture dans les termes d’un contexte conduit à y découvrir un milieu enserrant l’individu. La comprendre comme situation conduit à y voir une organisation complexe de ressources d’individuation. La «méthode ethnographique» (travail de terrain, conversations et entretiens, casuistique, contact, etc.) est la réponse épistémologique à cette préoccupation.

Concevoir une culture comme une réalité «vivante» n’implique aucun orga- nicisme, mais plutôt l’idée d’une dynamique au cours de laquelle les divers éléments se modifient continûment, à des rythmes variables, les uns au contact des autres. Boas, Malinowski ou Sapir ne cessent d’y insister: une culture n’est pas une collection figée d’institutions, de coutumes, d’équipements matériels ou de symboles. Ces auteurs s’opposent à ce que Benjamin a appelé «une repré- sentation chosiste de la civilisation18», consistant depuis le 18e siècle à penser l’histoire comme une collection de faits atomisés au sein d’un processus présumé automatique de cumulation. Si une culture forme un «système», c’est en vertu d’une complémentarité entre du synchronique et du diachronique, comme l’a montré Saussure à propos du langage: le langage implique les langues et celles-ci impliquent le discours, donc l’usage qu’un sujet singulier fait de sa langue. Il en va de même pour les anthropologues de cette époque: contre la théorie évolu- tionniste (Spencer, Morgan par exemple), laquelle se fonde sur une théorie de stades culturels prédéterminés et ordonnés suivant un développement unilinéaire (sauvagerie, barbarie, civilisation), ils montrent que toute culture est traversée par des tensions et se présente soit comme en danger (on ne peut sous-estimer le fait que les débuts de l’anthropologie culturelle coïncident avec une époque à laquelle les cultures des sociétés primitives ont commencé à disparaître), soit comme un point d’équilibre, de part en part historique, dont la stabilité est précaire et demande un retravail permanent.

L’objet essentiel de l’anthropologie de l’époque n’est pas «la structure» cultu- relle mais le changement culturel: «le social, c’est, non ce qui est permanent et universel, mais, au contraire, ce qui varie de société a société, et, dans une même société, à travers les âges19» Malinowski définit une culture dans les termes d’une «tradition vivante et active» et toute institution comme «une unité en formation». Ce qui anime une culture particulière n’est ni un moteur (ou un mobile) transcendant, ni un développement purement mécanique, mais le fait que chacun de ses aspects, y compris les individus qui y prennent part, se modifie en fonction de l’impératif d’un maintien de cohérence et viabilité culturelle. Malinowski propose ainsi d’organiser toutes ses descriptions en fonction du «concept de développement culturel en tant que fin20».

A «l’histoire des civilisations» se substitue l’historicité des cultures. Parce qu’elles reposent sur une interaction entre un environnement et des entreprises individuelles, les cultures changent, même les plus primitives. En opposition au préjugé que les sociétés primitives n’ont pas d’histoire, Boas écrit: «La stabilité apparente des types primitifs de culture est due à notre manque de perspective historique21». Ruth Benedict s’oppose également à l’idée que les sociétés primi- tives présentent des formes d’organisation «originelles» témoignant du début de l’humanité et considère leur culture comme un «laboratoire de formations sociales»: «Si nous sommes obligés de croire que la race humaine est une seule et unique espèce, il en résulte que partout l’homme a derrière lui une histoire d’égale durée22.» Et Malinowski, dont le «fonctionnalisme» est souvent réputé statique, prédisposant ainsi à une conception substantialiste de la culture, précise que «le soi-disant fonctionnalisme n’est pas et ne peut être opposé à l’approche historique, mais il est en fait son complément indispensable».

Les conceptions «communautaristes» ou «identitaires» actuelles de la culture ont fait perdre de vue l’apport des fondateurs23. Relativisme et incommensurabilité des cultures dérivent de thèses qui font d’une culture non une instance d’indi- viduation humaine, mais un milieu dans lequel les individus sont passivement ou inconsciemment plongés. Comme le rappelle Cometti, une culture ou une langue ne peut sembler intraductible ou non comparable que si l’on suppose qu’elle forme un système clos, uniforme et homogène, à l’intérieur duquel chaque individu prend spontanément place24. Le préjugé qui au départ concer- nait seulement le sauvage (un individu immergé dans le groupe) s’est étendu à tous. Or ce que montrent à la fois le pragmatisme et l’ethnologie, c’est qu’une culture ne se comprend pas en dehors d’une réciprocité entre l’ajustement des individus aux coutumes de leur groupe et le caractère toujours personnel des reprises et de l’appropriation qu’ils font de ces coutumes. On peut ainsi rendre compte de l’influence des individus sur leur culture à partir des usages qu’ils font de leur héritage. Par exemple, Ruth Benedict met en évidence la complé- mentarité entre culture et personnalité: «En réalité, la société et l’individu ne sont pas antagonistes. Sa civilisation fournit les matériaux bruts avec lesquels l’individu construit sa vie. S’ils sont peu abondants, l’individu en souffre; s’ils sont nombreux, l’individu a une chance de tirer un profit de cette occasion. Tout intérêt particulier de chaque homme et de chaque femme est servi par l’enrichis- sement des réserves traditionnelles de sa civilisation25. Sapir aboutit à la même conclusion: «Il n’y a aucune opposition réelle, en dernière analyse, entre le concept de la culture d’un groupe et le concept d’une culture individuelle. Les deux sont interdépendants. Une culture saine n’est jamais un héritage du passé accepté passivement, mais implique la participation créatrice des membres de la communauté26». Sur cette base, les questions relatives à l’intégration des individus dans leur culture d’origine tendent à se confondre avec les questions touchant aux relations interculturelles27.

Ces remarques aboutiraient alors à préciser la définition du mot «culture»: seules les formes assurant la mise en commun des ressources d’individuation en relèveraient. Seules ces formes se prêteraient à la génération de «situations unifiées». En revanche, seraient d’un autre ordre les organisations menant à l’exclusion d’un nombre important d’individus quant à la jouissance de ces ressources et à leur participation culturelle (à leur latitude d’influer sur la culture dont ils vivent, et par conséquent à leur possibilité de jouer un rôle historique – peu importe à quel degré – relativement à la place qu’ils occupent). Une culture est «une vie bonne» (Aristote) pour ceux qui y prennent part, quelles que soient leurs croyances et leurs coutumes. Les formes sont «culturelles» dans la mesure où elles sont un moyen pour la vie. Vitalité culturelle et participation des indi- vidus s’impliquent réciproquement.

Sur une base similaire Sapir propose de distinguer entre «vraie» (genuine) et «fausse» (spurious) culture. Qu’elle soit raffinée ou primitive n’importe pas. Afin de juger si elle est vraie ou fausse, seul compte le degré auquel elle se prête à des reprises menant à des individus accomplis: «Une vraie culture refuse de considérer l’individu comme un simple rouage, comme une entité dont la seule raison d’être serait qu’il serve un but collectif dont il ne serait pas conscient ou qui n’aurait qu’une pertinence lointaine pour ses intérêts et ses efforts. Les activités principales de l’individu doivent satisfaire directement des impulsions créatrices et émotion- nelles; elles doivent toujours être plus que des moyens en vue d’une fin28.»

Situation et contexte sont des concepts dont la portée théorique est importante. Seul le premier mène à accorder un rôle prépondérant à la pluralité, c’est-à- dire à la reconnaissance de l’irréductibilité de formes de vie entre elles qui, lorsqu’elles entrent en contact, peuvent s’influencer réciproquement, dialoguer, «interagir». L’idée de pluralité ne conduit pas à l’incommensurabilité, mais à la communication. En effet, communiquer signifie créer du commun, ce qui suppose une contribution distinctive de tous les intervenants. De même que, dans l’enquête, entre les données d’un problème et les moyens utilisés pour le résoudre s’opère une mise en relation d’éléments disparates, entre des cultures différentes qui se trouvent en contact peuvent s’inventer et s’inventent de fait de multiples interactions. Le fait de la pluralité est premier. La gageure en jeu est que chaque élément d’une culture puisse changer sans que les formes émer- gentes soient considérées soit comme allant nécessairement vers l’uniformité, soit comme les variables d’un même noyau immuable (la nature humaine), soit encore comme la dégradation d’une pureté prétendument originelle.

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